Claudine Nicolas & Sofia Stratilaki-Klein

Avec le concours de Luana Figueredo Pires et Marion Perier

Voilà une publication étonnante et exemplaire à plus d’un titre… et qui se présente en effet sous deux titres ! D’un côté Plurilinguisme et inclusion scolaire. Rapport scientifique (Sofia Stratilaki-Klein / Claudine Nicolas) et, de l’autre côté, La prise en compte du plurilinguisme dans l’inclusion scolaire. Guide de formation (Claudine Nicolas / Sofia Stratilaki-Klein). Et les deux côtés doivent aussi s’entendre au sens propre : la version imprimée de l’ensemble réunit en une seule brochure les deux composantes, mais les réunit tête-bêche.

Légère distinction des titres, inversion des noms, bascule entre deux textes sous un même volume, mais le tout relevant d’un seul et unique projet. Original pour le moins. Pas de hiérarchie entre le Rapport de recherche et le Guide de formation ; nulle perspective applicationniste. Les deux démarches font bloc et entrecroisent leurs auteurs, mais, si on donne sens à la matérialité du volume, se tournent le dos, comme en tension dans leur complémentarité bifrons, leur juxtaposition en tension.

Mais un même projet, lui-même composite quant à ses lieux institutionnels et de soutien : l’Académie de Paris, dont le Casnav de Paris, le groupement d’intérêt public Formation continue et insertion professionnelle, l’université de la Sorbonne nouvelle, un financement du Fonds social européen… et, bien évidemment, les écoles qui ont été un terrain d’enquête, tout particulièrement pour des entretiens avec différents acteurs de la communauté éducative.

Sous des angles différents, l’enjeu est celui de la formation des intervenants en contexte scolaire, au premier chef des enseignants et à travers eux, en dernière instance, l’inclusion réussie des EANA (enfants allophones nouvellement arrivés). A partir des résultats de recherches et d’interventions montrant l’importance de la prise en considération des langues dont sont porteurs les enfants allophones et en relation à des notions comme celle de compétence plurilingue, il s’est agi, d’une part, de conduire sur plusieurs années l’enquête de terrain à la base du Rapport scientifique et, d’autre part, de proposer des outils et une démarche d’intervention, dont le Guide de formation offre une réalisation concrète.

L’enquête, essentiellement qualitative dans son exploitation, a permis de relever dans les productions des témoins la manifestation de représentations relatives au plurilinguisme, aux compétences des enfants, aux usages familiaux et scolaires, au rapport à l’apprentissage de la langue de scolarisation, le français. La recherche porte sur un petit nombre de personnes : enfants, parents, enseignants, chefs d’établissements, inspectrice… Le recours à la biographie narrative comme un des instruments d’enquête en direction des parents et des élèves et une certaine prise en considération du longitudinal (enquête de terrain en 2017 et en 2019) mettent au jour des évolutions dans les représentations et les pratiques et conduisent à dégager quelques profils-types, exemplifiés et illustrés par des extraits d’entretiens.

Quant à l’autre volet, le Guide de formation, c’est une démarche ordonnée en une succession d’étapes qui s’y engage, avec des apports d’informations, des éclairages notionnels, des incitations à une pratique réflexive, des exercices de différents types. Le tout, qui puise aussi à diverses sources référencées, est organisé en quatre modules dont les titres respectifs montrent bien l’orientation et la progression : « Se situer et prendre connaissance des notions », « Allophonie et compétence bi-/plurilingue », « Biographies langagières », « Mise en œuvre de la compétence plurilingue dans les enseignements ». La dernière étape de ce quatrième module, précédant un « bilan provisoire », s’intitule « Élaborer des projets plurilingues et pluriculturels impliquant toute la communauté éducative ». Une grille d’auto-évaluation, classiquement distribuée en Attitudes, Savoirs et Savoir-faire, un Glossaire et une riche Liste de références parachèvent ce Guide.

Rapport scientifique et Guide de formation se situent comme en contrepoint l’un de l’autre, s’inscrivent dans une relation en quelque sorte dialogique, avec ce que cela peut comporter de décalage, non seulement dans la visée et le style − ce qui se comprend aisément – mais aussi dans le positionnement sur les rapports possibles entre recherche et formation. Il faut y voir une des forces et un des apports novateurs de cette réussite originale, dont la remarquable réalisation graphique n’est pas le moindre atout.

Bien utilisé, on a là un instrument pour la réflexion et l’action, à même de servir son objectif : œuvrer pour une école plus inclusive.

Daniel COSTE