L’ADEB a le grand honneur et l’immense plaisir d’accueillir – dans notre rubrique Entretiens – Sarah Breslin, directrice exécutive du Centre Européen des Langues Vivantes du Conseil de l’Europe, dont le siège est à Graz en Autriche.

Daniel Coste – Vous êtes directrice exécutive du CELV depuis plus de 8 ans. De la position particulière que vous occupez et du lieu de convergence et de dissémination européennes qu’est le Centre, avez-vous perçu des évolutions dans le paysage des langues ou constatez-vous plutôt une grande stabilité ?

Sarah Breslin – Comme principe, je rejette toute dichotomie réductrice, par exemple, entre « évolution » et « stabilité ». Il y a de la stabilité dans les évolutions et des évolutions dans la stabilité. Au cours de mes plus de huit ans comme directrice exécutive du CELV, j’ai constaté, bien sûr, des évolutions, mais aussi de la stabilité. C’est le rôle du CELV de médier entre ces deux pôles, de suivre les flux et reflux, dans nos pays membres, de leurs priorités dans le domaine de l’éducation aux langues ainsi que des évolutions qui ne sont qu’un reflet de ce qui se passe dans la société ainsi que de l’histoire de chaque pays.  Pour vous en donner un exemple : un petit pays comme la Slovénie, anciennement partie de ce qui était la Yougoslavie, a toujours placé une grande importance sur l’apprentissage des langues étrangères, désireux d’ouvrir ses portes − longtemps fermées − au monde. Et bien que cette importance perdure, la Slovénie évolue et reconnait qu’aujourd’hui, dans ses salles de classes, il y a maintenant assez d’enfants allophones même si, en comparaison avec d’autres pays, le nombre de migrants est plus bas : donc les approches plurielles et une éducation plurilingue et interculturelle sont devenues une grande priorité, y inclus bien sûr, l’importance de la langue de scolarisation.  Tout simplement pour dire que le paysage évolue d’une façon continue, avec des moments précis où un thème ou un aspect de l’éducation aux langues devient plus pertinent, mais sans jamais oublier les autres. Je pense qu’il s’agit d’un processus cyclique et que notre travail consiste à aider les pays à relever leurs défis spécifiques, tout en leur rappelant de ne pas négliger d’autres aspects, car ceux-ci retrouveront également leur importance à un moment donné.  Je trouve que l’image de la Plateforme de ressources et de références pour l’éducation plurilingue et interculturelle,  développée par le Conseil de l’Europe, aide beaucoup à ce propos : on commence avec l’apprenant et ses besoins, on voit l’ensemble des aspects et la relation entre eux, tout en sachant que, selon le contexte ou le moment dans le parcours éducatif de chaque apprenant, certains aspects seront prioritaires.

Daniel Coste – On a marqué les 25 ans du CELV, centre créé dans un moment historique particulier de mise en relation des pays d’Europe de l’Ouest, membres déjà anciens du Conseil de l’Europe, avec des pays nouveaux membres. Cette relative hétérogénéité constitutive de l’accord partiel résultait d’une volonté politique affirmée et n’allait pas sans des différences, voire des déséquilibres entre les traditions d’enseignement et l’état des orientations de politique linguistique et de novation didactique. Est-ce que des effets de cette situation initiale sont encore perceptibles aujourd’hui ?

Sarah Breslin – Il est sûr qu’il y a 25 ans les différences entre les traditions pédagogiques ainsi que de politique linguistique entre les pays d’Europe de l’Ouest et ceux de l’Est étaient très marquées. Mais c’est précisément le rôle du Centre de faire le pont entre ces différences, de les utiliser comme opportunités d’apprentissage et je crois que, dans ce sens-là, le Centre a très bien réalisé sa mission. Je vous renvoie à ma première réponse – oui, les différences existent encore, mais elles existent également et nombreuses à l’intérieur de chaque pays et entre les pays de l’Ouest. Il faut connaître et partager ces expériences différentes au sein d’une communauté professionnelle comme le CELV et se poser la question : qu’est-ce que je peux apprendre de l’autre ? Est-ce que cette dissonance cognitive m’aide à réfléchir sur ma façon de voir et de faire les choses ?  Pour moi, les « déséquilibres » comme vous les décrivez, sont nécessaires pour progresser, mais bien sûr qu’il faut savoir les gérer, c’est-à-dire avec soin et sensibilité.  C’est un thème que j’ai exploré dans ma propre recherche – la valeur ajoutée potentielle d’un apprentissage qui a lieu par le franchissement de frontières – linguistiques, pédagogiques, culturelles, etc. – et ce qu’il faut faire pour assurer cet apprentissage.

Daniel Coste – Le CELV opère sur le mode de l’appel à projets à base pluriannuelle et à l’intérieur d’un cadrage thématique général, lui-même décliné en axes prioritaires. Comment et par quelles instances ces cadrages et ces axes sont-ils retenus ?

Sarah Breslin – Tout d’abord il faut dire que depuis au moins 10 ans maintenant, les programmes du CELV se constituent de deux volet principaux – les projets (avec l’appel à projets) et l’offre de formation et conseil (F&C) pour lequel il y a aussi, depuis le programme actuel, un appel à propositions, mais limitées aux experts qui ont déjà fait partie d’équipes de projet. Mais bon, les deux volets se retrouvent dans un cadrage thématique général, comme vous le dites. Le cadrage thématique avec ses axes prioritaires est le résultat d’un processus de co-construction, un dialogue, un riche échange avec toutes nos parties prenantes.  Et lorsqu’on commence un nouveau processus pour chaque programme, ces programmes se retrouvent fermement ancrés dans les valeurs du Conseil de l’Europe. C’est le point de départ de notre travail et notre vision essaie de « traduire » les trois piliers du Conseil −démocratie, état de droit, droits de l’homme − dans le contexte des langues :

 Une Europe qui s’engage pour la diversité linguistique et culturelle, qui reconnait et soutient le rôle clé que joue une éducation aux langues de qualité pour favoriser le dialogue interculturel, la citoyenneté démocratique et la cohésion sociale.

Par le biais de questionnaires et de discussions au sein de notre Comité de direction, nous demandons à nos pays membres d’identifier leurs priorités dans le domaine de l’éducation aux langues. On les encourage à lancer eux-mêmes un processus similaire au niveau national, c’est-à-dire, à identifier toute partie prenante − experts/ inspecteurs/auteurs de manuels/chercheurs/éducateurs dans les institutions de formation d’enseignants/parents/directrices d’école, etc. etc. − et de les impliquer dans cette tâche d’identification.  En parallèle, nous demandons aux experts qui travaillent ou ont travaillé avec le CELV de nous indiquer leurs priorités – nous avons une base de données énorme − ainsi qu’aux associations/institutions membres de notre Forum pour le Réseau Professionnel – les ONG internationales liées à l’éducation aux langues et d’autres partenaires du CELV, comme par exemple, nos collègues à la Commission Européenne, nos partenaires au Canada ou à l’université linguistique de Moscou. Nous comparons les résultats pour identifier les thèmes brûlants, les thèmes qui traversent des frontières entre pays, entre langues, entre secteurs et qui méritent une réponse européenne commune. En même temps nous sommes en contact constant avec nos collègues à Strasbourg  et avec tous les pays membres du Conseil de l’Europe par le biais du CDPPE – le Comité pour la politique et la pratique éducative au Conseil (j’y participe activement) − non seulement pour nous assurer de l’alignement de notre programme sur les objectifs du programme d’éducation dont nous faisons partie, mais pour prendre en considération les développements dans le programme de politique linguistique, s’il y a, par exemple, comme dans le cas récent du Volume Complémentaire du CECR, une nécessité de lancer des projets pour mettre en œuvre, contextualiser, développer des guides pratiques autour d’un nouveau développement de ce « chantier ».

Ce processus de co-construction ressemble un peu au processus de triangulation dans la recherche – on veut recueillir autant d’opinions et de perspectives que possible. Il est très révélateur que, malgré les différences entre pays, entre experts, entre institutions, nous arrivons toujours à un grand consensus sur les thèmes clés. Donc, si vous voulez, c’est encore un exemple d’une tension positive – entre les points en commun et les divergences – deux faces d’une même médaille.

Daniel Coste – Le développement du plurilinguisme a, sous divers accents, été une composante constante des appels à projets successifs et ce en lien assez étroit avec les travaux, les orientations et les instruments produits par la Division puis l’Unité des Politiques Linguistiques du Conseil, à Strasbourg. Etes-vous d’accord avec cette relecture et diriez-vous que le CELV est aujourd’hui en quelque sorte, plus autonome, voire a pris une importance nouvelle comme force d’initiative et de proposition grâce aux programmes qu’il lance et aux perspectives qu’il ouvre ?

Sarah Breslin – Je crois avoir répondu − au moins partiellement − à cette question avec ma réponse antérieure. Le Centre doit vraiment trouver l’équilibre entre les orientations venues de Strasbourg et les priorités nationales. Vous savez qu’on espère présenter une ébauche de Recommandation sur l’importance de l’éducation plurilingue et interculturelle pour une culture de la démocratie au Comité de ministres du Conseil de l’Europe au début de l’année prochaine. Cette Recommandation est le résultat d’une coopération entre Strasbourg et Graz et je l’envisage comme le cadre général pour notre prochain programme. L’ébauche a été soumise à tous les pays signataires de la Convention culturelle européenne ; beaucoup d’entre eux nous ont donné leur retour, donc c’est un développement au niveau politique, oui, mais, en même temps, un développement qui prend en compte la réalité dans les différents pays, comme le programme du CELV.

En ce qui concerne le plurilinguisme, je vous invite à regarder de près certains de nos thèmes : langue/s de scolarisation/éducation plurilingue et interculturelle ou vous trouverez des projets (actuels et réalisés) ainsi que des offres de formation et conseil (F&C) très pertinents ; je vous cite quelques exemples mais c’est vraiment pour vous inciter à fouiller notre « malle à trésors » de ressources :

Carap : Un cadre de référence pour les approches plurielles des langues et des cultures

Maledive : Enseigner la langue de scolarisation en contexte de diversité

Feuille de Route (ressource et F&C) : Promouvoir la/les langue(s) de scolarisation

Descripteurs : Compétences linguistiques pour des apprentissages disciplinaires réussis

Jeunes migrants : Valoriser les classes multilingues

Oui, nous sommes assez autonomes, mais cela ne veut pas dire que nous travaillons dans le vide ou dans une autonomie totale.  Il faut aussi prendre en compte que nous sommes un Accord Partiel avec 34 pays membres et, comme tel, nous ne représentons pas tous les pays membres du Conseil ; notre fonction complémente les travaux dans le domaine de la politique linguistique financés par le budget ordinaire du Conseil, c’est-à-dire, en représentation de tous les 47 pays membres. Mais ce statut d’accord partiel nous permet d’être assez flexibles, réactifs : je vous donne l’exemple de la série de webinaires que nous avons organisée pour répondre à la crise actuelle de Covid, ainsi que l’initiative intitulée : « L’avenir de l’enseignement des langues à la lumière du Covid : leçons retenues et pistes pour l’avenir ». Nous sommes en permanence attentifs aux contextes changeants.  Nous avons établi d’énormes réseaux d’experts et de centres spécialisés dans nos pays membres et au-delà et tout cela facilite notre rôle de médiateur transnational. Je suis convaincue que cela explique la demande élevée pour nos services, ainsi que l’adhésion récente de la Belgique. Mais il reste du travail à faire…

Daniel Coste – Au titre de l’accord de coopération entre l’UE et le CELV, des ateliers de formation sont engagés dans différents pays sur le thème « Relier les curricula, les tests et les examens de langues au Cadre européen commun de référence ». Est-ce une priorité du Centre, une demande des pays, de l’UE ?

Sarah Breslin – L’histoire de l’initiative RELANG a commencé bien avant l’accord de coopération entre la Commission européenne et le CELV. RELANG est aujourd’hui une offre de formation et conseil du CELV et comme toute offre de F&C, a commencé avec un projet de développement, le projet RELEX – relier les examens de langue au CECR. C’est un exemple typique d’un projet du CELV, né des développements de l’ancienne Division des Politiques Linguistiques à Strasbourg : la Division avait élaboré un manuel et un ensemble d’outils d’accompagnement destinés à faciliter l’établissement de liens entre les examens en langues et les niveaux de référence communs en matière de compétences linguistiques. Le projet RELEX a développé une publication complémentaire en fournissant une introduction conviviale au processus, destinée aux professionnels soucieux de la qualité de l’évaluation linguistique, mais qui ne sont pas nécessairement des experts en matière de tests et d’évaluation.  Les pays membres du CELV, par le biais de leur participation dans le projet RELEX, exprimaient déjà le besoin d’aide dans ce domaine, un besoin auquel la future offre de F&C essayait de répondre.  Les discussions avec la Commission commençaient plus ou moins au moment où le projet RELEX se terminait ; je n’étais pas encore directrice à ce moment-là mais, quand je suis arrivée, l’accord venait de commencer. Comme vous le savez, la Commission a toujours soutenu et promu le CECR, surtout dans le contexte des « benchmarks » et la première enquête européenne sur les compétences linguistiques   :  l’ancienne Division des Politiques Linguistiques était bien impliquée dans cette initiative, donc c’est tout à fait logique que RELANG ait été choisi pour ce co-financement.

Dès le début, la demande a été très élevée et elle continue à l’être. D’ici la fin de 2021, l’équipe aura livré 75 ateliers dans 30 pays et le retour est extrêmement positif. Et l’initiative évolue constamment : au début, on ne focalisait que les examens de langues étrangères ; maintenant il y a aussi des modules sur la langue seconde, sur les curricula, sur la médiation et sur le Volume complémentaire. Comme résultat de la crise Covid, l’équipe est en train de préparer un module sur l’évaluation formative. Je reste convaincue de la valeur ajoutée de cette initiative qui répond directement aux besoins des pays membres de l’UE/du CELV. Je soupçonne que derrière cette question il y a un manque d’information qui pourrait mener à des conclusions hâtives – une attention limitée aux langues étrangères et aux examens/niveaux du CECR sans prendre en compte sa philosophie, mais c’est très loin de la vérité.

Nous venons de finaliser une évaluation du programme antérieur qui n’est pas encore publiée mais je vous cite deux commentaires venus des pays qui ont profité de RELANG :

Le séminaire national RELANG a eu un impact positif sur le développement et la mise en œuvre du nouveau curriculum des langues vivantes pour le gymnase (degrés 5-8). Les coordinateurs des groupes de travail sur les langues vivantes pour le développement du curriculum figuraient parmi les participants du séminaire et les ressources fournies dans le cadre du séminaire ainsi que les activités réalisées ont favorisé et inspiré l’innovation curriculaire. Au cours des dix mois qui ont suivi, le curriculum national pour les langues vivantes de la 5e à la 8e année a été rédigé, discuté, révisé, complété selon la méthodologie nationale, puis approuvé par le ministère de l’Éducation.

RELANG a eu un impact décisif sur le système norvégien puisque les programmes d’enseignement des langues étrangères font désormais référence au CECRL dans les critères d’évaluation. Cet ajout avait été demandé par les enseignants, mais sans succès dans le passé. Le CECR est désormais reconnu et intégré, ce qui facilitera une compréhension commune du niveau attendu des élèves au cours de leur éducation.

Daniel Coste – De plus en plus, les travaux menés à Strasbourg pour les langues avaient non seulement intégré les langues de scolarisation mais avaient promu une conception intégrée et inclusive de l’éducation reflétée notamment dans les propositions portant sur les curriculums et sur les dimensions linguistiques de toutes les disciplines scolaires. Est-ce aussi sur cette voie que vous percevez la dynamique actuelle du CELV ou est-ce que l’enseignement-apprentissage des langues « étrangères » et un plurilinguisme portant sur ces dernières restent le cœur de métier et la fonction centrale du CELV, ne serait-ce que parce que nombre de pays contributeurs seraient défavorables à un élargissement du champ d’intervention initial ?

Sarah Breslin – Ce n’est pas du tout le cas que les langues étrangères « forment « le cœur de métier et la fonction centrale du CELV » : ça ne l’a jamais été.  C’est vrai que les thèmes des tout premiers ateliers – objectifs d’apprentissage – nouveaux média – l’autonomie de l’apprenant – se réfèrent surtout à la méthodologie communicative qui a été développée dans le contexte de la didactique des langues étrangères, mais c’était parce que − à ce moment-là − cette méthodologie était au centre des travaux de la Division des Politiques Linguistiques à Strasbourg, et les pays avaient besoin d’aide pour mettre en œuvre cette approche tout à fait innovative.  Mais au fur et à mesure que le changement de paradigme vers l’éducation plurilingue s’installe à Strasbourg, la même chose se passe ici au CELV, dont le rôle est de relever les défis résultant d’un changement aussi radical, avec des ateliers sur les compétences interculturelles, la citoyenneté européenne, l’importance des langues moins répandues, les langues et la paix, pour vous donner quelques exemples.  On voit les perspectives en évolution et de nouveaux enjeux dans les titres des programmes successifs du Centre : « Les langues pour la cohésion sociale », « Valoriser les professionnels en langues », « Apprendre par les langues : Promouvoir une éducation inclusive, plurilingue et interculturelle », « Les langues au cœur des apprentissages» et le programme actuel – « Inspirer l’innovation dans l’éducation aux langues : contextes changeants, compétences en évolution ».

Pour moi le concept d’une éducation plurilingue et interculturelle est comme la philosophie qui sous-tend notre travail, et si on comprend bien ce concept dans sa totalité, il englobe tout aspect de l’éducation aux langues : approches plurielles, langues de scolarisation, langues étrangères, sans qu’un aspect soit en contradiction avec un autre.  Je vous invite à lire notre Déclaration du 25ème anniversaire du CELV pour voir comment ces thèmes ou piliers sont interreliés, interagissant les uns avec les autres, selon le contexte et les besoins des apprenants.

Je trouve qu’il y a un vrai danger à suggérer qu’il y aurait une opposition entre « langues étrangères » et « éducation plurilingue » : cette fausse dichotomie risque de nous faire tomber dans le piège d’une compréhension réduite de l’éducation plurilingue et interculturelle.  C’était un thème longuement discuté entre les participants à ma recherche et j’ai bien aimé la clarté d’un d’entre eux qui a énuméré les différents éléments de cette éducation plurilingue et interculturelle, sans oublier leur unité :

Premier élément, c’est la prise en compte des élèves et de leurs langues, le multilinguisme présent dans la classe ;

la deuxième dimension … c’est développer la compétence plurilingue de chaque apprenant, leur apprendre à utiliser, à faire des passerelles, à développer des stratégies qui ne soient pas liées à telle langue mais qui prennent appui sur différentes sortes d’apprentissage ;   

le troisième élément c’est effectivement éduquer à la valeur de la diversité à toutes les occasions et à tous les niveaux, avec tout ce qui est médiation culturelle, etc. …

le quatrième élément c’est développer des compétences dans les langues dont on est responsable, qu’il ne faut pas oublier. (1)

Daniel Coste – Dans la mesure où le CELV est devenu aujourd’hui un centre de référence européen et, bon gré mal gré, un opérateur (parmi d’autres) de politique linguistique éducative, n’est-il pas essentiel que les résultats des projets qu’il impulse fassent l’objet de modalités de diffusion, de synthèses, d’élaboration de conclusions ?

Sarah Breslin – Tout à fait et la dissémination/mise en œuvre de ces outils reste un grand défi. C’est pourquoi nous avons introduit le volet « formation et conseil » qui se base sur les produits de projets déjà terminés. Très souvent c’est l’équipe de l’ancien projet elle-même qui répond aux demandes d’un pays membre. Ce que je trouve surtout intéressant dans ce volet de notre travail, c’est le fait que les experts du CELV préparent l’atelier ensemble avec des experts nationaux dans le même domaine ; il s’agit d’une approche ascendante, qui commence par une analyse détaillée du contexte local/national.  Le CELV n’impose pas ses ressources ; c’est plutôt une question d’adaptation ou de contextualisation.

En plus, nous faisons un très grand effort pour faire connaitre nos ressources en utilisant tous les moyens possibles : notre bulletin  d’information électronique, La Gazette européenne des langues  avec plus de 8500 abonnés ; des envois réguliers de courriel à nos vastes réseaux, surtout au moment du lancement d’une nouvelle ressource ; des webinaires réguliers ; des dépliants et des vidéos promotionnels ; des ateliers pour nos points de contact (chaque pays membre a un Point de contact pour la diffusion) où on partage des idées créatives pour la dissémination au niveau national. Et bien sûr, nous faisons tout le possible pour répondre aux demandes de présentations/d’articles/d’interviews comme celle-ci, pour renforcer notre portée.  Nous comprenons que la traduction joue un rôle important ; comme CELV, nous n’avons pas les moyens pour traduire toutes les ressources dans les langues de nos pays membres et de toute façon, maintenant avec des ressources en ligne qui sont dynamiques (on ne parle plus d’une publication), cela est devenu plus complexe, mais on suggère des éléments clés de chaque site web de projet à traduire. Puis nous formatons et publions toute traduction.

L’évaluation du dernier programme montre que tous ces efforts ont un effet positif avec des exemples de mise en œuvre de nos ressources dans les réformes de programmes, dans les Inspé, etc., mais nous ne pouvons pas nous permettre de nous reposer sur nos lauriers.

Daniel Coste – L’ADEB est passée, dans son titre, de « bilingue » à « bi/plurilingue ». Est-ce que cela fait sens pour le CELV ? L’enseignement bilingue y a-t-il une place particulière dans les projets ?

Sarah Breslin – Tout à fait. Le bilinguisme fait partie de l’éducation plurilingue et interculturelle comme exemple d’une approche avec des défis spécifiques. Comme j’ai dit auparavant, les thèmes des projets ainsi que notre offre de formation et conseil se basent sur les priorités nationales qui changent ; dans le programme actuel il n’y pas de projet focalisé spécifiquement sur le bilinguisme mais cela pourrait bien changer pour le prochain programme.  En ce qui concerne les approches méthodologiques dans le programme actuel, les pays membres ont élu un projet sur l’EMILE dans des langues autres que l’anglais, un thème important dans nos efforts de promouvoir le plurilinguisme.

Daniel Coste – Que peut-on dire des pratiques linguistiques et des usages plurilingues dans le fonctionnement du CELV, tant pour son administration que pour les équipes des projets ?

Sarah Breslin – En plus de ce que j’ai déjà dit sur la traduction de nos ressources, nous respectons toujours dans tous les aspects de notre travail les deux langues officielles du Conseil de l’Europe ; en outre, nous utilisons aussi beaucoup l’allemand – c’est une question de respect pour notre pays hôte. Chaque activité (projet ou F&C) est automatiquement réalisée en deux langues ; des fois en trois ; dans le programme actuel il y a plusieurs projets où les experts ont développé des enquêtes dans plusieurs langues – voir, par exemple, les deux volets de l’enquête actuelle du projet Ressources pour l’évaluation des compétences en langues familiales des élèves migrants - un volet est disponible en allemand, anglais, arabe, français, italien, persan (dari/farsi), portugais et turc , et l’autre en allemand, anglais, français, hongrois, italien et portugais.

(1) Research participant 6, focused group conversation, December 2018,  in Breslin, S. (2020) Learning beyond boundaries: voices from the European Centre for Modern Languages. EdD thesis. University of Sheffield, 127-128. Available from: http://etheses.whiterose.ac.uk/26330/