La clause Molière est revenue en mars dernier sur le devant de la scène politique à la suite de l’adoption le 9 mars 2017 par la région Ile de France d’une clause linguistique rendant obligatoire l’usage du français sur les chantiers dont elle est maître d’œuvre. Lancée en mai 2016 par Vincent You, adjoint au maire de la ville d’Angoulême, la clause Molière a déjà été adoptée dès 2016 par plusieurs conseils régionaux ou départementaux, ainsi qu’un certain nombre de communes, avant que la région Ile de France fasse de même le mois dernier.

Pour son initiateur, Vincent You, qui n’en est pas à sa première tentative de contournement habile de la loi (il avait déjà mis sur pied une clause « pédagogique » permettant aux producteurs locaux de fournir les cantines d’Angoulême), la clause Molière n’est rien d’autre qu’une stratégie visant à contourner les réglementations en vigueur sur l’ouverture internationale des marchés. Empêcher le recours aux travailleurs détachés étant interdit par la loi, Vincent You a eu l’idée d’un argument linguistique qui lui a semblé inattaquable. « En tant que maître d’ouvrage, je suis responsable du chantier et de la sécurité sur ce chantier. Il n’y a rien de plus dangereux qu’un chantier où les gens ne se comprennent pas. Donc j’agis. Et dans le même temps, je fais en sorte que le recours aux travailleurs détachés soit moins avantageux… (…) On a beau chercher, c’est imparable ». (Sud-Ouest, 1-3-16). C’est d’ailleurs ce même argument de la maîtrise de la langue comme facteur de sécurité qu’a repris Valérie Pécresse, présidente de la région Ile de France, le mois dernier : « Nous assumons. C’est une condition sine qua non pour la sécurité des travailleurs sur les chantiers » (Le Monde, 9 mars 2017). A l’instar de Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne- Rhône-Alpes, Valérie Pécresse souhaite que la sécurité constitue une exception à la règle rendant illégale la préférence locale ou nationale. Le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui avait déjà adressé un recours gracieux à Laurent Wauquiez en lui demandant de supprimer cette clause « susceptible de créer une discrimination », a été nommé en mars dernier à la préfecture d’Ile de France, d’où il a rapidement adressé le même type de courrier à Valérie Pécresse (Le Monde, 20 mars 2017). D’autres voix (syndicats, MEDEF, élus de gauche ou du MODEM) se sont également élevées contre cette clause considérée comme illégale. A ce jour, elle est cependant toujours en vigueur dans les collectivités territoriales qui l’ont votée.

Sophie Babault