Étant parfaitement d’accord avec le billet de blog précédent, je ne reviendrai pas – ou peu – sur l’analyse du rôle de l’anglais et de l’absence des langues régionales que ce billet a parfaitement analysée.

Disons le tout de suite, le texte de recommandations couche sur le papier des avancées remarquables pour qui se préoccupe de l’introduction dans notre enseignement d’activités de type « éveil aux langues ». Cela concerne d’abord l’introduction de l’expression « éveil aux langues » elle-même, là où les programmes parlent d’un « éveil à la diversité linguistique » : un éveil à la diversité peut être interprété comme une simple prise de conscience de l’existence de langues, sans impliquer un travail métalinguistique portant sur leurs particularités. Mais par-delà, un ensemble assez vaste de principes qui sont au centre d’un tel éveil aux langues est convoqué : finalités liées à l’ouverture, à la citoyenneté ; le réflexif et le relationnel affirmés clairement à côté du ludique ; le lien avec la consolidation de la maitrise du français ; l’éveil considéré comme une première étape d’un continuum d’apprentissages ; la non-limitation à des activités d’écoute (observer les langues, percevoir leurs régularités, leurs ressemblances et leurs différences) ; les langues considérées comme un objet de réflexion et de manipulation  – autant de tonalités que l’on aurait aimé entendre depuis de nombreuses années dans un texte de ce statut.

Bien sûr, on aimerait en savoir plus sur la place de ce type de préoccupations dans le parcours ainsi ouvert et qui se poursuivra sur l’intégralité de la scolarité des élèves. Mais il faut peut-être savoir attendre, et des critiques bien plus graves peuvent être portées :

Tout d’abord, tel ces premières machines automobiles à vapeur qui conservaient l’attirail nécessaire à l’attelage de chevaux, ce texte n’arrive pas à choisir entre deux logiques : s’agit-il d’un apprentissage précoce d’une langue vivante étrangère au sein duquel s’intègrent des activités de type éveil aux langues ? C’est ce qu’on croit d’abord comprendre dès les premières lignes. Ou s’agit-il, comme cela est affirmé plus loin, d’un éveil à la diversité linguistique qui recouvre deux volets : un éveil à la pluralité des langues et une première découverte d’une langue singulière et de son apprentissage ? Certes, les deux volets peuvent être développés en synergie, mais dans quelle logique sommes-nous ? Les rédactrices/teurs du texte n’ont-elles/ils pas pu construire une position consensuelle réconciliant deux points de vue ? Il est clair que cette incertitude favorisera bien des confusions, dont une rejoint les craintes énoncées dans le billet précédent à propos de la place de l’anglais.

Enfin, une béance : où est donc passé le répertoire des élèves, dans sa diversité, dont celle, particulièrement, des langues et variétés parlées et comprises dans la famille ? Certes plusieurs formulations contenues dans le texte permettent d’introduire dans les activités de classe les langues et variétés qui le composent. Mais permettre ne suffit pas. Ce répertoire constitue le socle sur lequel doit s’appuyer toute contribution de l’école au développement linguistique des jeunes élèves, et on ne peut faire l’impasse sur cette question. Pourquoi une telle absence ? Pour des raisons didactiques ?

Devant des absences aussi graves pour le développement linguistique, affectif, social et donc cognitif des enfants, il est clair que le Conseil de classe que nous réunissons pourra difficilement ne pas se contenter de recommander un blâme…

Michel Candelier